Début d'une histoire plus ou moins liée à une autre de mes "oeuvres", mais donc, soit, comme promis : réciiit !!!
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« Hé ! »
Je me promenais tranquillement le long de la rue en bas de mon appartement, je venais d’aller m’acheter des cigarettes, gentiment tout ça, la soirée peinarde du célibataire qui médite. Et vlan, elle m’est rentrée dedans. Je l’aide à se relever. Elle a l’air affolée, ses vêtements sont déchirés par endroits et semblent un peu trop larges pour elle. Et puis, le sang sur ses bras et son visage.
« T’es blessée ? »
Je suis presque convaincu qu’elle n’a rien et que ce sang appartient à quelqu’un d’autre. Une voiture passe, les phares éclairent un instant son visage. Elle n’est pas gâtée cette gosse. Je pose mes mains sur ses épaules, ça a l’air de la faire redescendre sur terre. C’est le moment de poser les bonnes questions, de lui dire LE truc qui va la calmer.
« Euh… »
Je m’attends à la voir essayer de s’enfuir, mais au lieu de ça, elle devient molle comme du coton et chancèle, avant de tomber dans mes bras. Je respire les odeurs autour de moi. Pas le choix, c’en est une. Je peux pas la laisser toute seule dehors, à la merci de ses ennemis, ma conscience est toujours là malgré tout ces années passées à vivre en ville, loin du moindre arbuste.
« Allez princesse, on y va. »
Je la soulève, elle est bien maigre, j’ai l’impression que je vais lui casser un bras ou une jambe si je fais un geste brusque. Et ces foutus passants qui me regardent de travers, ils n’ont jamais vu quelqu’un aider une personne dans le besoin ailleurs que dans les films ou quoi ? Les humains, franchement… tout juste bon a nourrir les Cadavres ou à en devenir à leur tour.
Le hall de l’immeuble sent toujours autant l’urine, je crois qu’à force d’en respirer mes sens n’arrivent plus à la repérer aussi facilement qu’avant. Ce n’est pas un problème, au contraire, puisque cette odeur est distillée partout dans le quartier, on change juste les dosages d’une ruelle à l’autre.
Bon, heureusement que je suis seul, au dernier étage, sinon mes voisins me croiraient encore plus dérangé que je ne le suis vraiment, avec cette ado maigrelette aux vêtements en lambeaux sur les bras et les acrobaties que je dois faire pour tourner la clé dans la serrure. Bon, je vais la déposer sur mon matelas et la laisser récupérer. Elle n’est pas très jolie mais d’une certaine façon, elle est mignonne, elle a l’air d’un bébé quand elle dort, une expression sereine sur le visage, un petit sourire apaisé. Elle se roule en boule en marmonnant, je pose la couverture sur elle.
« Bon, princesse, je vais voir si j’ai quelque chose pour remplacer tes fringues… dors bien… »
Ouais, moi et mes supers idées. Sincèrement, mes vêtements sont trois fois trop grands pour elle. Qu’est-ce que je vais pouvoir lui donn… ah, peut-être ça. Okay, ça devrait lui aller, je ne sais pas si ça va lui plaire mais je n’ai pas autre chose. Enfin, la vraie question c’est : qu’est-ce que cette robe fout là ?! Tant pis, je vais la laisser à côté du lit, si elle la veut, elle la prendra sûrement…
Dernier regard vers elle. Mmmh, j’ai beau être une espèce de gros ours bourru, là, je craque, elle est vraiment… adorable. Comme une petite fille en fait. Et puis, ça me fait du bien de voir qu’ici, dans ce trou qui me sert d’appartement, elle puisse se sentir en sécurité…
***
Ce n’est pas la première fois qu’elle se réveille dans cet état, comme si on l’avait anesthésiée, la bouche pâteuse et les membres endoloris. Sauf que cette fois, elle se réveille ailleurs, pas dans ce parc minable du centre-ville. Dans une sorte d’appartement miteux, les murs couverts de graffitis, même pas de peinture sur le béton pour le cacher. Au moins, elle s’est retrouvée sur un matelas et pas sur le sol, c’est déjà un point positif. Elle essaye de se rappeler ce qui s’est passé, rien de très concret, des silhouettes immenses, floues, qui s’effondre. Trou noir et puis, une autre silhouette, plus petite, moins effrayante. Et c’est tout, la suite est devant ses yeux.
Elle se lève et commence à arpenter la chambre, plutôt spartiate, le matelas dans un coin, une armoire dans l’autre et c’est tout. Reste la porte et cette petite robe démodée qui pends à la poignée. Pour elle ? Peut-être, elle jette un œil au contenu de l’armoire : des habits d’hommes, trop grands pour elle. Donc c’est sûrement à son intention. Elle se change.
« Hum… déjà mieux que ces trucs déchirés et ensanglantés. »
Se laver. Voilà ce qu’elle voudrait. Ne serait-ce qu’un lavabo, pouvoir se mettre de l’eau sur le visage… Un vague murmure derrière la porte, une femme parle. L’idée qu’elle puisse rencontrer une autre personne de sexe féminin dans cet endroit la calme, impression de se sentir moins seule. Mais tout ce sang sur ses bras… celui ou celle qui l’aura amenée ici ne devrait pas s’en inquiéter maintenant si avant ça ne lui a rien fait. Tant pis, trop de brouillard, elle ouvre la porte…
Salon tout aussi misérable que la chambre, un canapé, un meuble pour la télé et la télévision dessus. C’est elle la voix féminine, décevant. Reste la tête chevelue en train de fumer en face de l’écran. Il tourne la tête vers elle. Sale balafre près de l’œil gauche, la trentaine apparemment, barbu, cheveux noirs. Un ours dans un pull kaki.
« Je crois que l’évier de la cuisine marche encore si tu veux te laver, mais n’y bois pas, l’eau du coin doit pas être très saine… je crois que j’ai du soda dans le frigo… »
Il repose son regard sur la télé, tire sur sa cigarette.
« … plus aucune nouvelles du groupe de bénévoles partit manifester contre… »
Ca ne l’intéresse pas, et lui semble plutôt regarder les trois cafards qui courent sur le mur. Le lavabo, ça lui fera du bien de pouvoir se rafraîchir. Même si l’eau a une couleur d’argile, elle est froide et ça la réveille complètement. Ce n’est sans doute pas la peine de lui demander s’il a du shampooing ou du savon. Le produit de vaisselle, « PH neutre », ça fera l’affaire.
Bon, et quoi maintenant ? Pourquoi est-ce qu’il la aidée ? Un pervers ? Non, pas avec sa tête, même un pervers aurait du mal à se… laisser aller. Ou au moins cette idée la rassure, pour une fois que son physique peut lui servir à quelque chose en plus… Elle vient s’asseoir près de lui.
***
« Pourquoi tu m’as aidée ? »
Hé merde, j’ai pas envie de devoir tout lui expliquer de A à Z, c’est pas mes affaires, qu’elle demande ça aux autres. Ouais, enfin, les autres n’ont pas l’air de se soucier de son cas. Bordel…
« Simple charité… tu peux rentrer chez toi quand tu veux, je te retiens pas, hein… »
Apparemment mon soda est à son goût, elle se… wâw, déjà toute la bouteille ? Elle manque d’élégance par contre, s’essuyer la bouche avec le bras… Bah, pour ce que j’en ai à faire de l’élégance et de ces trucs-là.
« J’ai plus de chez moi, pour ce que j’en ai eu d’ailleurs… »
Je sens venir le passage mélo, sortez les mouchoirs… Non, bon, en vrai, je m’y attendais un peu. Je vais devoir l’aider encore un temps, comme prévu…
« Dis, t’as déjà entendu parler de.. « Spirale Noire » et de « Ver » ? »
Ma cigarette arrive à sa fin, et le paquet est déjà vide. Je vais lui expliquer ça d’une traite, avec des mots simples, et puis je vais être gentil, je lui dirai qu’elle peut encore refuser et devenir à moitié folle ou dépressive. Ou finir comme moi…
