Ce texte n'a strictement aucun rapport avec Werewolf, mais en attendant de vaincre le grand méchant chapitre 2 de Connmhaigh, je le poste afin de satisfaire la foule en délire de mes fans (Comment ça, je délire ? Il n'y a pas une masse de jeunes gens à moitié dénudé qui m'adule ? ... On m'aurait menti ?! OO).
Il y a eu une tentative de suite avortée dont je préfére oublier la nullité cosmique.
Decay
Comme une impression de… vitesse. Le monde défile et je ne contrôle plus rien. Les néons de lumière tracent le plan infini d’un sombre tunnel où je roule à toute vitesse, cigarette en main. Je n’ai plus peur de rien, je suis déterminée. Le monde défile et je vais m’envoler…
Comme une impression de… fureur. Mon estomac se tord et mes lattes s’allongent. Qu’importe où je vais, le tout est d’y aller. Et vite. Dans ce vortex vert et bleu, il me faudrait juste une éternité. Les flammes qui dévorent les tripes. La colère comme énergie. Toujours vivre dans cet instant où le monde explose en couleurs et en bruits… toujours.
Toujours.
Je jette mon mégot noirci et prends la première sortie qui se présente à moi. Le véhicule à nouveau docile continue sa course effrénée puis finit par ralentir peu à peu. Sortie du tunnel, j’arrive sous le ciel nocturne, presque violet. La ville s’étend à mes pieds, ou plutôt à mes roues, alors que je traverse la coupole de verre dans la solitude la plus complète.
Merde, plus de clopes. L’extase de la conduite me quitte. Passer de plusieurs centaines de kilomètres/heure à un misérable petit quatre-vingt, il n’y a rien de pire pour frustrer. Je m’arrête après dix interminables minutes sur un des transféreurs en direction du quartier Sept, et ferme les multiples ouvertures de ma beauté mécanique. Un dernier regard pour la voûte qui vire à l’orange…
La ville n’est rien. De vieux immeubles décrépis, de vieilles routes défraîchies, un éclairage pitoyable sous une protection faiblissante, des habitants qui se traînent le long de trottoirs défoncés : mon bolide qui traverse presque sagement leur vie n’est qu’un miracle de plus. Un miracle aux lignes parfaites, un miracle de sûreté et d’intelligence, mais surtout un miracle que je guide et qui tire de mes directions une bonne partie de sa majesté. Enfin, je pense. Je vaux plus que tous ces ploucs…
Je vaux plus.
C’est sûr.
J’arrive devant le building le moins détruit de la zone, et sans me poser de question je passe à travers les gonds défoncés de la porte. Hors de question de me garer dehors. J’arrête le moteur en plein milieu du hall, entre deux débris de colonnes. Je sors de mon ange de métal après avoir récupéré cette besace informe que j’appelle un manteau et y avoir fourré les quelques affaires méritant de m’accompagner. Je chipe son paquet à la réceptionniste et m’en grille une alors qu’elle m’indique un chemin que je connais déjà. Ca fait du bien, décidément… J’allais pas fumer dans la caisse.
La même montée, toujours. Les mêmes étages. Et la même porte grinçante et le même bureau. Et le même putain d’enfoiré qui regarde par la fenêtre, se retourne quand il m’entend et sourit.
« Tiens, bonjour, Decay. Je t’attendais… »
Putain de sourire.
Je le hais.
« Je crois que j’ai quelque chose qui pourrait t’intéresser. »
Je lui souris, un sourire mauvais, méchant, et lui sort par le menu tout ce qui m’est arrivé la dernière fois où c’était censé « m’intéresser ».
« - Et pour finir, j’ai failli me faire bouffer par une benne à ordure enragée.
- C’était un accident, voyons… »
Putain de sourire à la con. Putain de cheveux blonds platines, putain de costard blanc, putain de voix rauque qui me ferait frémir si j’étais pas occupée à empester la pièce de ma fumée.
« - Déconne pas, Jay. J’en ai marre de tes accidents. T’es un vrai fouteur de merde.
- Mmmh, tu ne disais pas ça, avant… »
Il avance, dépasse le meuble. Je reste campée sur place, l’œil toujours aussi noir. C’est ça, qu’il essaie de me charmer. Il me répugne, il me révulse, et j’en perds presque mon calme.
« - Viens au fait, allez !
- OK, OK… »
Il a parlé, et j’ai cru que j’allais le tuer.
« - Tu te fous de ma gueule ? Pff… Je crois que c’est la pire idée que tu m’aies jamais sortie, Jay.
- C’est une occasion unique.
- Ta gueule. J’ai rien d’autre à dire. Ta gueule. »
Je me suis détendue, et j’ai allumé une autre cigarette. J’aurais dû me douter que ce type était fini. Franchement…
« - Decay, c’est la chance de ta vie.
- Change d’expression.
- Je te propose une quête, une vraie ! C’est bien pour ça que tu vis, non ? L’effet pur de la réussite, la gloire, l’action, la…
- Ta gueule Jay. Sauver trois ploucs, c’est pas ce que j’appelle une quête. »
La discussion tourne en rond. Tourne jusqu’à ce que je m’énerve. Tourne jusqu’à ce qu’une énième clope me laisse un goût si amer que j’arrête de fumer. Tourne jusqu’à ce que Jay abandonne, ouvre son tiroir et me balance une enveloppe lourde de billets tout frais.
« - Merci, Jay. Bon, tes ploucs, y sont où ? »
Ca a toujours été comme ça entre nous. Le fric. La haine. Les viscères.
Il me donne deux, trois indications – un autre champ de ruines, à l’extérieur – et une autre date. Comme si j’avais autre chose à foutre.
Je sors. Il me faudrait de l’air. Il me donne envie de vomir. Même chemin inverse, jusqu’à l’hôtesse qui arrête illico son bavardage lorsque ses clopes, moins une bonne moitié, lui atterrissent à deux doigts de l’oreille. Je hais Jay.
Personne n’a touché à ma beauté, et je retrouve son intérieur avec un réel plaisir. Les sièges de cuir, les accoudoirs, le volant, les pédales… mon second corps. J’allume le moteur. Doux vrombissements de la liberté enfin retrouvée… Je démarre. Je suis libre, une liasse de fric entre les mains, mais libre, pour toujours et à jamais…
Je sors de la ville, et pour une fois pas par le tunnel.
Le trajet sera… court. Un instant de calme et d’éphémère au milieu des ténèbres. Seules les lumières artificielles de mon véhicule éclairent la route : l’espace urbain habité se réduit à celui protégé par la coupole, et c’est toutes vitres fermées que je trace ma voie dans l’ombre du vortex bien au-dessus de moi, entre les ombres mouvantes des rebus, des parias, des monstres et des rustres.
Qu’importe où je vais, le tout est d’y aller. Mais je ne vais pas n’importe où, malheureusement. Le ciel se décolore, c’est bientôt l’aube. Peut-être aurons-nous une journée verte aujourd’hui… ou même claire, qui sait. La couleur céleste n’est rien quand on vit à travers les parois teintes de l’essence de technologie dans laquelle j’habite. Ma destination approche, lentement, si lentement. Mes papilles que le tabac avait enflammées se sont calmées, mais ma générosité légendaire ayant rendu ses cigarettes à la secrétaire de Jay, c’est les lèvres vides que je gare mon automobile sur une esplanade de béton déserte. Inutile de préciser que cet état de fait n’arrange en rien la piètre humeur dans laquelle m’a mise mon rendez-vous.
En face de moi, un panneau me souhaite la bienvenue au quartier Trois de ses couleurs effacées. Ce monde est si lent, si pitoyable. Et Jay un enfoiré de première.
Je couvre le bas de mon visage d’un tissus pas trop sale qui traînait, prévu à cet effet, dans la boite à gants, enfile les gants en question, rajuste ma vêture, mon couvre-chef et ces quelques cylindres qui encore une fois vont me sauver la vie, et me prépare à sortir.
Un groupe de clodos attroupés prés d’un brasero improvisé me regarde passer, un œil mauvais sur ma démarche et l’autre envieux sur mon véhicule de rêve désormais sans vie. Ou presque : je leur déconseillerais de l’approcher si la puanteur de leur carcasse putrifiée ne me prenait pas à la gorge. Lépreux, gangrenés… Si le dégoût de mes narines n’égalait pas la pitié qu’ils m’inspirent, j’abrégerais la souffrance de toute cette populace à l’aide d’une jolie bombe.
Sans la vitesse de mon engin, je ne suis plus qu’une masse informe, un autre corps, un autre manteau de cuir vieilli, une autre silhouette. L’endroit est facile à trouver. Une boîte glauque où un ramassis de putes danse pour et avec une bande de loubards éméchés, qui tiennent à peine sur leurs pattes. Le barman essaie de me rappeler que j’ai rien à foutre dans son arrière-boutique, mais je l’endors sans broncher. Les autres, trop shootés, n’ont rien captés.
J’ouvre la fameuse porte en fer rouillé et descends dans ce qui se révèle être un souterrain. L’air est humide, ça va pas m’aider. L’obscurité n’est pas un problème, pas avec mon ‘équipement de base’. Retour à la terre, loin de la fureur des machines… Retour à l’eau ruisselante sur les pierres, retour au souffle chaud des profondeurs, à la lenteur caverneuse des premières heures de l’existence.
Le faisceau de ma torche rase les murs et les marches du passage délabré. Je croise rats et ordures dans une ambiance pestilentielle. J’enjambe un junky trop défoncé pour me remarquer, avant de me trouver face à une porte du même acabit que la précédente. Du bon vieux fer rouillé, prêt à vous donner le tétanos rien qu’à le regarder. Mais il en faut plus pour me filer la crève, et les éclats de voix qu’étouffe à peine le métal me poussent d’autant plus à pousser celui-ci arme en main.
La suite n’est qu’un carnage. Mon cerveau m’informe d’une pièce petite et peu aérée, de néons faiblards, d’une chaise sur laquelle un être de taille moyenne est ligoté et de deux autres corps dans un coin alors que j’abats froidement deux sbires et évite par pur réflexe le poing américain de leur chef. Je ne suis pas payée pour discuter.
Le chef en question, un gros lourdaud d’une trentaine d’années, atterrit par terre et tente de se relever… sauf que je lui laisse pas le temps de le faire. Pas de prisonniers, a dit Jay. Ou une autre phrase un peu plus classe. Rien à foutre. Un quatrième larron essaie d’ouvrir une autre porte en hurlant jusqu’à ce que j’achève sa tentative désespérée.
Une fois le rideau rouge de la colère retiré de mes yeux, je me permets un rapide état des lieux. Sur les sept personnes présentes dans la pièce à mon arrivée, quatre ont rejoint ce doux néant de l’inexistence, deux n’en sont visiblement plus très loin et la dernière est en état de choc, me fixant de ses grands yeux bleus.
« - Est ce que… vous aller me tuer… aussi ?
- Non. »
Je réponds tout en récupérant ce qui se peut sur les cadavres, avant de tilter qu’elle n’a pas ouvert la bouche. Relevant la tête je remarque l’étoile bleue sur son front – une médium, génial.
« - Pourquoi est-ce que vous les avez tués, eux ? »
Jay… je vais le tuer. Il sait pertinemment que je déteste les enfants.
Sans dire un mot je retourne les deux cadavres du fond. Visiblement, les parents de la demoiselle que je détache.
« - Et pourquoi je ne peux pas lire dans votre esprit, à vous ?
- Parce que je suis plus forte que les racailles qui t’ont enlevée, c’est tout.
- Mais pourquoi les avez-vous tués ?
- Je viens de te sauver la vie, tu pourrais pas arrêter deux minutes ?
- Mais ils ne voulaient pas me tuer, eux. Ils voulaient juste de l’argent. Pourquoi…
- Rah mais ferme-la, bordel ! »